lundi 18 septembre 2017

mettre un pied devant l'autre, #marcher marcher marcher #JaPaChAi2017

Marcher, se déplacer en gardant le contact avec le sol, mettre les pieds sur, dans quelque chose lors de son déplacement, Être en train de fonctionner, d'assurer sa fonction. Marcher ici, marcher là, marcher sans s'arrêter, marcher tous les jours, juste pour marcher encore un peu plus. Quelle absurdité de marcher... et comment te convaincre de me suivre dans cette absurdité? Absurdité, qui est contraire à la raison, au sens commun, qui est aberrant, insensé. En marchant, partager le besoin de se sentir partir. Sentir qu'à chaque pas supplémentaire on s'éloigne du point de départ, que l'on s'enfonce vers ce qui n'est pas encore connu, que l'on se détache des routines domestiques, que pas après pas on s'en va... En marchant, j’assouvis mon envie de voir ce qu'il y a après ce col, ce coin de rue, ce flot de passant... ma curiosité n'est satisfaite que quand mon corps n'en peux plus, qu'il dit stop.
Et toi tu aimes marcher? marcher une performance physique, marcher c'est l'apprentissage de l'ennui. Je m'ennuie, je m'ennuie, je m'ennuie... toi tu aimes jouer à marcher? Et pourquoi tu marches?
Nous avons marché au milieu des fleurs tropicales, le long des canaux d'irrigation. Nous avons marché de haut en bas de montagnes bleutées dans la fin de l'été, du levé au couché du soleil le long des lignes de dénivelés. Nous avons marché dans les verticales de béton, dans les rues sans nom et sans fin.
En marchant, j'espère que nous avons ressenti l’épaisseur de l'air du monde. C'est lourd, c'est dense : l'air est de la matière. Il est difficile à voir l'air, ici dans un rayon de lumière, là le long d'un nuage. Mais nous avons traversé l'air comme on traverse une matière faite de senteurs, d'humidités et d'ondes sonores. Un air, un signal ou une symphonie de bruits, jamais les mêmes, jamais vraiment absents. Ici le fracas des vagues, là le sifflement des marmottes, là bas les cigales de Manhattan. L'espace, ensemble sur lequel on a défini une structure. En marchant dans l'air, nous avons traversé l'espace et donner une définition à notre structure. C'est ici et là. Le temps, durée d'un phénomène mesurée par la différence entre les valeurs finale et initiale du paramètre précédent. 
En marchant le monde est plein d'odeurs, de couleurs, de frissons qui ont le temps de s'imprimer sur nos corps, dans nos souvenirs. Ici nous avons transpiré à grosses goutes, là j'ai enfilé une veste. Et nous marchons, et les ombres s'allongent. Dans la lumière changeante, les distances se font plus lourdes. Nous avons traversé l'été dans une lenteur active. Tout est trop lent, trop long, manque de temps et pourtant nous n'arrêtons pas. Nous ne nous arrêtons pas, en marchant nous ne rencontrons pas de barrières. Nous ne nous arrêtons pas de marcher, nos sens sans cesse stimulés, nos corps bien fatigués et nous n'avons pas le temps de ressasser les mêmes rengaines du quotidien. Une définition de la liberté, marcher sans s'arrêter, sans avoir le temps de se construire de barrière.
Pulsion, force à la limite de l'organique et du psychique qui pousse le sujet à accomplir une action dans le but de résoudre une tension venant de l'organisme. Petit garçon qui file en courant dans les herbes et les pierres. Petite fille qui bat des jambes et des bras à la vue d'un mouton ou d'un oiseau. Ton corps qui s'envole vers les vagues. Dans l'inconfort d'une famille en vadrouille au rythme de ses marches, je sens pulser notre vie de famille plus fort. Sentir ta peau quand je te tiens la main, sentir ta peau en t'endormant contre moi, goûter les plats cuisinés tes soins. Marcher ensemble très proches les uns des autres. Une pulsion qui se fait pression quand mon enfant s'accroche à mon cou et se sert sur mon ventre. Marcher en immersion dans ma famille. L'immersion, fait de se retrouver dans un milieu étranger sans contact direct avec son milieu d'origine. Dans un océan rond comme un galet, dans un lac au niveau des nuages, dans une baignoire noire, s'immerger en famille, c'est une submersion d'amour.
Marcher, mettre en pas devant l'autre, recommencer, keep on marching, keep on... and the beat goes on ... ça fait mal, j'en ai marre... keep on, marcher, pas après pas. Nous ne savons plus pourquoi mais nous marchons. Transe, état d'exaltation de quelqu'un qui est transporté hors de lui-même et hors du monde réel ; convulsions, manifestations extérieures marquant cet état. Marcher sans raison, dans un rythme naturel, être au plus proche de ses sens, du monde. Marcher dans un état tel que les odeurs et les couleurs et les matières nous enivrent. Marcher pour s'enivrer des merveilles du monde.
Dans ces espaces sans frontières, dans ce temps qui s'étire aux rythmes de nos pas, je me sens plus près de toi. Je suis dans le monde, je suis ici et dans mes souvenirs. Je suis comme le jour où j'ai ressenti avec toi pourquoi c'était important de marcher, ce jour d'hiver il y a longtemps à Saint Savin, sous les lourds flocons. Je suis dans le monde et enfin je sais comment te raconter notre famille, les enfants, nos rêves, nos merveilles. Je suis dans le monde et quand je me suis endormie ivre de marche, ivre de bonne fatigue, une nuit j'ai senti tes bras autour de mon cou qui me berçaient doucement.

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