jeudi 17 septembre 2015

De la sympathie à la bienveillance, quand les agriculteurs aiment leur métier

Je compatis avec les agriculteurs qui souffrent dans leur chair des choix économique fait à grande échelle ces dernières décennies. Mais je ne connais pas bien le monde paysan. 


Je croise les paysans au cours de randonnées en île de France, Limousin, Bretagne, Aveyron, Alentejo, Béarn… Je le soutiens, de manière assez virtuelle finalement, en adhérant à une AMAP depuis bientôt 5 ans. Mais je ne peux pas dire que j’avais un grand-père ou un arrière-grand-père paysan, je n’ai pas joué dans une ferme enfant, je n’ai pas de souvenir intime lié à la culture agricole. Cette distance émotionnelle explique peut-être le peu de sympathie que j’éprouve envers les éleveurs en colère depuis de nombreux mois. Leurs revendications m’exaspèrent, et j’ai vraiment eu la trouille quand je me suis retrouvée au milieu d’une manifestation de bonnets rouges en 2013. 
 
Dans ce conflit, où je suis finalement prise à parti en tant que citoyenne et donc contributrice au versement des subventions, et en tant que consommatrice qui fait des choix sur un marché normalement libre, puis que nous avons choisi la démocratie de marché libéré, à chaque fois que la masse des agriculteurs fait un coup de force, je les perçois plus loin, plus faibles, plus nuisibles. La seule bataille qu’ils proposent : le prix… quand il ne fait plus parti de notre contrat social. La seule tactique qu’ils appliquent : la création de boucs émissaires à tout va, avec une prédilection pour la grande distribution, qui entretient une relation quotidienne et intime avec les consommateurs, les contribuables. La posture qu’ils ont adopté : la victime isolée, quand on sait que les coopératives agricoles françaises sont des mastodontes de l’économie mondiale.

Depuis quelque mois j’essaye d’appliquer la stratégie de la bienveillance (Juliette Tournand), pour désamorcer les situations conflictuelles, et surtout pour calmer mon penchant naturel à la rébellion. Si cette stratégie repose sur la reconnaissance des besoins et aspirations de l’autre, elle commence par la nécessité de faire preuve de bienveillance envers soi-même. Et finalement, c’est là que cela se complique : il est souvent plus facile d’entrer en violence, que de savoir ce qui est bon pour soi aujourd’hui. Dans la bienveillance envers soi-même, le plus difficile est de pouvoir définir quels sont les forces dont on aura besoin demain. En effet, la bienveillance commence par se donner une vision, un avenir.
J’aimerais que la culture agricole entre en bienveillance. J’aimerais que lors de nos randonnées nous puissions rencontrer plus d’hommes et de femmes fiers et heureux de raconter leur travail. Cette culture agricole et paysanne existe déjà, il faudrait que nous soyons bienveillants envers elle, et pour nous, et que nous continuions à la supporter, envers et contre toutes les violences.

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