mardi 3 novembre 2015

#MomentsParfaits Mon corps c'est moi


Vendredi après-midi, nous sommes partis vers le Sud. Nous traversons un hameau endormi, le chien court après la voiture, le parking inondé du dernier soleil d’automne, un ruisseau qui dégringole, des estives récemment abandonnées des vaches, chevaux et moutons. Vendredi après-midi, nous lassons les chaussures, nous bouclons les sacs, fermons la voiture. Et voilà, le chemin de la liberté s’ouvre devant nous, et les courbes de dénivelés se rapprochent, et le ciel est encore plus beau quand le vent souffle dans mes nattes.
Mais j’ai mal aux jambes ! Mais j’ai le souffle court… Quelques semaines de rentrée « patachones », sans sorties en forêt, et le corps ne suit plus ! Il faudra de toute façon grimper ces 900m de dénivelés en 3 heures, pour atteindre le refuge avant la nuit. Je mobilise toute ma volonté, au détriment parfois du vol d’un aigle, pour ne pas laisser trop de distance entre Paul et moi. Visiblement la circulation urbaine en vélo ne suffit pas ! Et au rythme de mes pas j’ai le temps de ruminer la douce injonction de mon mari : entraine toi, entraine toi, entraine toi...

Il faudrait donc pour pouvoir profiter du chemin de la liberté, m'enfermer dans une salle. Mettre mon corps "hors sol"? Déconnecter mon corps de la réalité d'un territoire, pour le rendre plus performant?
"Shape Shape Shape your body"... Participer à cette folie du sur-homme, dont la puissance importe plus que l'élasticité, la finesse ou la tactique? 
"Shape Shape Shape your body"... Contraindre, bousculer, torturer mon corps pour qu'il crache toute sa capacité de puissance?
"Shape Shape Shape your body"... Interdire à mon corps la moindre défaillance, faiblesse et me sentir trahie à la première maladie, au premier déréglage?
Et si mon corps, avant d'être un moyen de locomotion, était mon ancrage au monde. C'est grâce à  lui que je connais le goût d'une pomme, que je reconnais la douceur d'une mousse, que j'entends le souffle du vent, que j'expérimente hardiesse d'une montagne ! Je commence à sourire des picotements qui courent le long de mes cuisses, et je repense à cette interview de Barbara Hendricks par Augustin Trapenard le 14 Octobre : "Est ce qu'être une femme noir est un handicap? non c'est une force parce que c'est moi". Moi aussi j'aimerais pouvoir dire que "mon corps c'est moi" ! Samedi, nous avons dévalé les belles pentes de la vallée d'Aspe, escaladé une crête le long de la frontière, basculé vers la cabane où nous étions attendus. Les joues rouges, les jambes raides, le coeur joyeux nous sommes rentrés dans notre quotidien...

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