Ces derniers mois, j’ai éprouvé le doute, de façon obstinée
et déterminée : chacun de mes choix, chaque nouvel état a ouvert un
nouveau champ de questionnement, les réponses n’ont jamais été tranchées,
évidentes, primaires. Ces derniers mois j’ai vécu dans un flou suspendu au
dessus du temps, dans cet état où il est impossible de prendre parti, ou je
refuse de m’attacher à quelque chose qui me semble incertain, imposé par une
autorité que je ne reconnais pas.
Cet état de doute m’épargne la gêne de la crédulité : trop
grand confort à croire quelqu’un. On m’a raconté, la crédulité qui règne au
sein d’un grand groupe pétrolier Français. Une communication interne proche du
lavage de cerveaux transforme, aux yeux de ses employés comme de ses cadres, les
pratiques de ce groupe à la toute puissance mondiale, en œuvres éthiques et exemplaires.
Le plaisir de croire qu’ils appartiennent à cette aristocratie du capitalisme
mondial, font perdre aux agents de ce groupe tout recul : ils sont fiers
et crédules … et ne se rendent pas compte de leur bêtise quand ils clâment que
non leur groupe ne pratique pas la corruption dans un pays du continent africain
regorgeant de pétrole, qui sort d’une guerre trop longue, dont la fille du
président dictateur est la personne la plus riche d’Afrique… La crédulité est l’état
d’une relation top to down, une autorité qui s’impose plus ou moins
brutalement, qui inhibe tout libre arbitre… et surtout qui prive les individus
de l’accomplissement d’une démarche positive, faite en conscience, dont les
conséquences sont perceptibles.
Le doute qui m’habite, me traverse et m’électrise,
paradoxalement me conforte dans une croyance. Je crois en mon envie de vivre
par et pour l’amour. L’envie de vivre qui donne des forces insoupçonnées pour
sentir ses cheveux au vent, faire couler du sable entre ses doigts, croquer
dans une fraise mure. A chaque crise de doute, il me semble qu’il faut que ce
soit la vie qui gagne, et dans le doute je cherche la vie sous une feuille,
dans ton sourire, dans le feu qui danse, le long d’un chemin dont on ne connaît
pas l’aboutissement.
L’an dernier, c’est à force de douter, puis de choisir la
vie que j’ai pu ré-inventer le quotidien que je voulais partager avec James,
avec mon amoureux, avec mes parents, avec mes frères et sœurs et amis. Une
croyance dans la vie comme un moteur qui décuple les énergies et la confiance
qui donne l’audace d’agir. L’audace de faire d’une façon qui me convienne, qui
convienne à mes pulsions de vie, qui convienne à mes talents... Ben oui … dans
le doute, je me suis posée la question de ce que je sais faire et ce que j’aime
bien faire : en fait peut être que j’ai des talents, et peut être qu’il
était temps que je cultive ces talents, plus que les échecs professionnels.
Pour l’arrivée d’Aimée dans notre famille, le doute a pris
une dimension qui dépasse mes zones d’interventions : le choc de la maladie,
le choc des hommes et des femmes rejetés à la mer, le choc de l’effritement de
l’utopie dans laquelle j’ai grandi : « putain putain nous sommes tous
des Européens », le choc de sentir le populisme, les raccourcis, les
réflexions trop courtes, gagner du terrain : « marine le pen, non,
non, marine le pen, non, non …. ». Est-ce qu’il est raisonnable d’accueillir
un enfant dans un monde aussi brutal ? Et en posant la question, choisir
en conscience la vie, dépasser la pulsion et l’action et décider de croire que
le monde est bon et que le bien y tient plus de place que le mal. Aimée est là,
tout à l’heure nous allons chercher James à l’école, et chaque jour quoiqu’il
arrive, il faudra leur transmettre le goût du doute et de la vie.





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