Je me sens vieille, la peau de mon visage, de mes bras et de mon ventre se détend et je ne supporte plus le "faire mignon". Je ne parviens plus à projeter en abîmes le mignonnet. Je ne parviens plus à faire preuve de sarcasme et à sourire de mon cynisme. Aujourd'hui ce qui est fait pour être mignon, ce qui est fait pour célébrer l'innocence, ne me frappe que par la laideur et la violence hypocrite sous tendue. Je suis vieille, je suis irascible, je suis conne, je déteste les jeunes, je déteste ce qui fait frais, propre, joyeux. Je suis vieille. Je pourrais étrangler ces jeunes beautés qui jouent aux satisfaits par l'idée de l'innocence, trop hauts, trop mignons, trop gentillets. Je suis trop vieille pour supporter ces démonstrations d'exaltation de la joliesse du monde, joliesse des gens. Et pourtant, ma peau flétrie n'est pas insensible, mon cœur tout ridé est encore capable de battre à la chamade. Les éclats de rire d'Aimée, les grosses larmes de James, la beauté de la lumière dansante dans les vitraux, le souvenir du vacarme des vagues le long des longues plages de l'Atlantique ... m'intiment de continuer à vivre, à sentir, à vibrer. Une émotion à ce point intense que j'ose l'appeler le Beau. Le Beau qui serait cet élan qui me surpasse. Le Beau qui serait une perfection qui m'aspire et m'inspire. Le beau qui serait un idéal forcément synonyme de l'effort, un renoncement, un questionnement. Il faudrait forcément un pincement, une souffrance pour toucher le beau. Il faudrait forcément avoir effleuré la mort pour pouvoir reconnaître ce qui est vraiment.
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