lundi 19 février 2018

intelligences et pragmatisme ! tenter de comprendre nos différences // comment la vulgarisation des #neurosciences donne d'autres perspectives aux intelligences?

Il n'y a pas longtemps James me fait remarquer que la moitié de son CP était passée... ânonnant, rouspétant, et pourtant dans les délices de la révélation, James déchiffre les mots sombres, très sombres... Tous les mardis, en vélo, nous montons en haut de la butte Montmartre pour que pendant une heure avec Clémence, psychomotricienne, James intègre mieux son schéma corporel, intègre son corps dans l'espace. Il y a eu aussi trois mercredi après midi, où main dans la main, nous sommes allés voir, l'orthophoniste, un neuropsychiatre puis un médecin spécialisé. Quelques heures échappées, juste tous les deux, pour se plier aux exercices et analyses des médecins, pour manger un goûter, peut être aussi pour se dire comment je tiens à ce que tu ailles bien ... que chantes, que tu danses, que tu défriches bien. Les semaines passent, tu ries, tu fais des caprices, je t'entends calculer, je t'écoute épeler tes mots préférés, de temps en temps tu t'étonnes de lire un mot ! Je suis si fière de toi, que tu sois parvenu à surmonter ces quelques semaines de colère de Septembre et Octobre. Tous tes pulls y sont passés, et même si matins après matins, tu m'entends râler sur ce point, ce n'est pas ça qui compte. Ce qui compte, c'est quand tu prends ma main pour marcher encore un peu plus loin. 
Les neurosciences sont à la mode. Ou : nous vivons un phénomène de vulgarisation des neurosciences. Personne n'est parfaitement normal. James comme tant d'autres, aurait bien fini par rentrer dans le moule. Personnellement je crois que je ferai tout pour qu'il ne se casse pas dans le moule. Les médecins ont relevé une problématique dans le développement de James : son hétérogénéité. L'un après l'autre, ils se sont approchés d'un diagnostique, d'un mot... Et finalement, nous avons décidé de ne pas figer James dans un cas : James est James. Avec un programme d'adaptation à la maison et à l'école, nous faisons le pari de sa capacité à compenser, à mettre son intelligence, au service de ses failures. James est James, comme chaque enfant est l'adulte de demain. Un individu, dont les adultes doivent préserver les capacités d'épanouissement. Les neurosciences sont un outil, qui ne rendront pas nos enfants plus esthétiques, ni plus pratiques, mais qui serviront l'idéal d'individualisme épanoui, des parents nés après toutes les utopies collectives.
Le câblage de James a ceci de particulier, qu'il est vraiment très à l'aise avec les idées, l'abstraction, mais beaucoup moins avec l'appréciation de la réalité. Je me souviens de maman, nous disant à Paul et moi, les chats ne font pas des chiens. Je m'extasie jours après jours de l'autonomie et de l'indépendance de gestes d'Aimée. Mais voilà, pour James ce qui est là, à la portée de ses doigts n'est pas aussi évident que les fulgurances de son esprit. Et oui... l'intelligence n'est pas toujours simple. Le concept ou la pomme ? L'abstraction ou le dénombrement? Et là, nous sommes sur le seuil des cavernes philosophiques...
Cette semaine, encore et encore, je vais être confrontée à la tyrannie du pragmatisme. "On ne comprend rien, soyez pragmatique". Ces quelque mots couperets, au moment où le projet décolle, où non, je ne sais pas exactement comment cela se traduit concrètement... Ces quelque mots trop faciles qui permettent aux personnes n'ayant pas l'intelligence de l'abstraction, de réduire à néant, toute construction conceptuelle. Ce moment où encore à bientôt 40 ans, j'ai encore envie de lui exploser la table de réunion sur la tête, pour lui demander si cette réunion est bien pragmatique. Ce moment où je me renferme, me morfond, et les laisse tripatouiller avec leur réalité. Ce moment où il faudrait que je fasse encore un effort de clarification pour faire accepter les autres réalités, sans avoir l'air de Madame Irma. Ce moment où je ne comprends pas que l'on soit incapable d'un minimum d'abstraction pour comprendre mon raisonnement.
Mais qu'est ce que le pragmatisme? ... "la simple capacité à s’adapter aux contraintes de la réalité". Pas si évident, cf supra. La réalité n'est pas forcément simple à appréhender surtout par les personnes ayant développé une intelligence de l'abstraction. Toute personne peu pragmatique, n'est pas forcément incapable de s'adapter aux contraintes, n'est pas forcément incapable de raisonner, mais elle est peu être plus incline à élaborer des concepts pour connecter une réalité avec une vérité. Mais qu'est ce que le pragmatisme ? ... "l’idée selon laquelle l’intelligence a pour fin la capacité d'agir, et non pas la connaissance". Propagande productiviste, cf supra. L'intelligence peut avoir pour fin une curiosité insatiable, la nécessité impérieuse d'amalgamer et de générer de nouvelles idées. 
Je crois que Guy Debord traite de la confusion des moyens et de l’objectif. Une sorte de d'amputation de la pensée, qui permet la vacuité du spectacle. Finalement sous la bannière pragmatique, beaucoup brassent du vent. Puisque le pratique est l'objectif suprême et se suffit à lui même sans qu'il n'y ait eu d'idéation. Puis qu'on ne s'est pas posé la question de l'idéal, de l'irréel que l'on voudrait atteindre. "Pragmatique, l'attitude de quelqu'un qui s'adapte à toute situation, qui est orienté vers l'action pratique" ... Qui s'adapte à toute situation ... Le pragmatique ne définit pas la situation. Mais la personne pragmatique doit être capable de mettre son intelligence du réel, de s'adapter aux situations extrapolées avec les personnes capables d'abstractions. 

Mais qu'est ce que le pragmatisme ? ... une école philosophique américaine. "Le pragmatisme représente d'abord une méthode de pensée et d'appréhension des idées qui s'oppose aux conceptions cartésiennes et rationalistes sans renoncer à la logique. Selon la perspective pragmatique, penser une chose revient à identifier l'ensemble de ses implications pratiques, car pour Peirce et ses disciples, seules ses implications confèrent un sens à la chose pensée. Les idées deviennent ainsi de simples, mais nécessaires, instruments de la pensée. Quant à la vérité, elle n'existe pas a priori, mais elle se révèle progressivement par l'expérience."



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