Soupe
Pomme de terre, Carotte, Poireau, Céleri. Pendant longtemps j'ai cru
que La Soupe ne pouvait avoir qu'un seul goût : un peu âcre et très
salé, et qu'une seule texture : très mixée et aqueuse. Et toutes
les semaines, La Soupe. Et chaque dîner, La Soupe. Et nos amis et
familiers de passage de s'extasier du plaisir de manger une soupe
maison... La Soupe. Et puis je suis partie de la maison, et j'ai
moins mangé La Soupe... Et puis j'ai eu un enfant, et j'ai préparé
des purées et des soupes de légumes de saison, aux couleurs,
textures et goûts variés... dont James se régale... Aimée
commence son apprentissage : courge, betterave, carotte, poireau...
les enfants de l'été exercent leurs goûts avec les légumes
d'hiver.
La
Soupe, notre "Hygge" familial. Le "hygge" c'est
le confort, la chaleur d'un foyer au Danemark. On ne sait pas
vraiment si on l'aime La Soupe, mais elle fait du bien. Eté comme
hiver, toujours là, toujours la même. La Soupe, comme notre
famille, tous différents pour fabriquer un référent, pas parfait,
mais assez stable dans le temps. Dans La Soupe familiale, chaque
ingrédients a sa place, son importance, son petit goût particulier.
Et maintenant que tu es partie il faudrait inventer une nouvelle
recette. Pour le moment, on fait comme si de rien n'était, mais inévitablement sans
l'un des ingrédients, le goût s'est un peu altéré. Avec les
légumes du Val de Loire, je concocte des soupes plus épaisses, ce
sont plutôt des purées, moins assaisonnées, plus variées et peut
être parfois un peu détonantes... Dans un esprit pratico-pratique,
elles doivent convenir aussi bien à Aimée, James et nos dîners du
Lundi... et sont produites en quantité puis congelées. J'épluche
les légumes, les assemble, les fais cuire, les mixe... et je me
demande quel légume je suis dans La Soupe familiale... j'ai peur d'être évincée, ou encore pire
diluée... et je me rends compte que les purées que je cuisine pour nous sont
bien bien solides et compactes.
Nous
sortons, pour prendre l'air, pour prendre l'air du temps. Et nos pas
nous poussent de temps en temps dans l'un de ces lieux urbains,
d'échanges, de loisirs, de "bouffe", de culture, de
marchandages... Tiers Lieux : « Le
Tiers-Lieu est une démarche collective. Bien que généralement
institué par un groupe d’individus restreint et identifiable, le
Tiers-Lieu ne peut se déployer s’il n’est pas porté par un
collectif élargi qui participe, met de l’énergie et le fait vivre
au quotidien. ». La
réussite de ces lieux tient autant des organisateurs, animateurs que
visiteurs. Tous acteurs, tous spectateurs d'une certaine poésie
entrain de se faire. Il faut une certaine dose de subtilité, de
finesse, de richesse pour que la soupe prenne. Il faut aussi un peu
de temps pour la laisser cuire. Et encore plus de temps pour qu'elle
devienne un référent, une nouvelle culture. En ville, et assoiffés
de culture, d'être ensemble, les uns avec et contre les autres, nous
nous réjouissons de ces lieux, où la consommation n'est plus le
ticket d'entrée, où on ne sait pas exactement ce que l'on va
trouver, où il va certainement falloir que l'on donne de nous même
avant de goûter au plaisir d'en être...
La Soupe
comme les Tiers Lieux sont confusions, désordres, pas pratiques,
longs, fastidieux, monotones. La Soupe comme les Tiers Lieux mixent
les hiérarchies, donneurs d'ordre pour proposer autre chose :
différent, mieux, indéfinissable. La Soupe comme les Tiers Lieux,
ne s'imposent pas par l'autorité, l'organisation et la rationalité,
ils se font, ensemble avec ceux qui veulent bien donner.
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