le jour où je suis devenue Vieille // ce devrait être quoi le marketing #senior?

J'ai beaucoup de cheveux blancs, ma peau ne supporte plus le soleil, j'ai bientôt 38 ans, et je suis vieille. Je suis vieille et chiante. Quand je sors tard le soir, le lendemain, j'ai mauvaise haleine et je suis de mauvaise humeur. Je n'ai jamais été très fun, drôle, populaire, ni même je crois attachiante. Mais grave, emmerdante, nostalgique, triste, insatisfaite, envieuse, en colère... sans avoir le courage de mes colères. Peu incline aux démonstrations de tendresses, je suis une vieille et chiante qui avance sur un chemin tortueux, la main de mon enfant dans la main, l'autre bras enserre le corps de mon bébé. Paul marche à côté, supporte, porte, mais n'aime pas vieillir. Et inexorablement, ensemble nous vivons, ensemble nous vieillissons. Nous avançons ensemble. Nous tâchons de faire un joli chemin. Nous n'évitons pas les obstacles, les passages ardus, les passages arides : nous avons préféré les GR aux autoroutes, et les paysages sont beaux.

Le matin à la radio, il y a encore une publicité pour les crèmes anti-âge. Le nom de ces crèmes est terrible. "Anti-âge" : hostilité, contre l'âge, contre la vie. Ma maman ne sera jamais très vieille, parce qu'elle est déjà morte. Je crois que j'aurai adoré qu'elle soit très très très vielle. Avec beaucoup de rides et peut être aussi des joues qui tombent un peu. "Anti-âge", se battre contre la vie, contre les événements marquants de la vie, aller à contre courant de la vie qui s'écoule. C'est un certain luxe de pouvoir éviter la vie...

Le luxe d'une non vie, des loisirs pour l'éternité, affranchis de responsabilité pour hier et pour demain... Je ne pense pas que l'on naisse avec un caddy au bout des bras pour faire le plein le Samedi matin. Je ne pense pas non plus que l'on naisse avec une peau lisse pour attendre la retraite... des caricatures, des cases, des trames, des codes qui ont organisé la vie des boomers et de leur enfants... qui s’effritent petit à petit. C'est bien. Mais c'est aussi un peu triste, parce que c'est aussi leur monde de douceur qui sombre dans un océan de non-sens. Je regrette la douceur mais les moyens qui l'on permise ne sont pas la vie.

Aujourd'hui je suis vieille. J'ai perdu ma mère, avant même qu'elle n'ait perdu la sienne. Je suis vieille par ce que je dois accepter d'être raisonnable, sage, orpheline devant le choc de la mort. Je suis vieille par ce que je dois accepter la mort, pour ne pas être contre la vie. Je suis vieille et j'ai tellement envie de vivre. Je suis vieille et j'ai tellement besoin d'être rassurée sur le fait que mes enfants vont vivre longtemps, leur vie. Vieillir, vivre, pour laisser les enfants tracer leurs chemins, que les enfants écrivent leurs codes de vie.