Adolescente,
j'ai été fascinée par la description d'Hervé Bazin de sa
Folcoche. Il décrit si bien sa mère incapable d'un geste de
tendresse envers ses fils. Une description aussi féroce que
passionnée. Dans les longueurs des matinées à la maison, j'adorais
t'entendre discuter au téléphone avec ta maman. Ce coup de fil quotidien,
fait de petits riens qui dans votre intimité prenaient l'épaisseur
de l'attention, de l'amour. Quand je croise une grand mère et ses
petits enfants, je ne peux empêcher mon estomac de se vriller :
même si nous ne vivions pas sous le même toit, ton absence se fait
chaque jour bien présente.
L'instinct maternel, l'instinct paternel, une
injonction à être des parents à la fois protecteur et éducateur
et cool, parfait. Un concept qui fait penser que pour être parent,
il faut naître parent, que tout serait inscrit dans nos gênes. Tu
l'as ou tu l'as pas... c'est le fatum ! Quand James est arrivé,
il a fallu nous rendre à l'évidence que nos instincts étaient
limités et parfois même dangereux. Encore aujourd'hui j'ai parfois
qu'une pulsion : fuir... les planter là... et reprendre ma vie de
liberté là où je l'avais laissée. Et puis le temps a passé, et à
force de raisons, d'expérimentations, d'échanges, de renoncements,
de moments parfaits, j'ai aimé être maman. Avec l'arrivée d'Aimée,
je continue de devenir maman. Quand James prépare sa rentrée en CP,
je ressens l'urgence de devenir encore une autre maman. Être maman
me semble être un processus plus qu'un instinct.
L'instinct
maternel, qu'elle force dans ce concept qui plonge les mères en réflexion quand elles regardent leurs enfants. Je rencontre le regard pénétrant
de James, Aimée agite jambes et bras avec virulence quand je me
penche au dessus de son lit, j'ai encore si mal en faisant appel à
ma maman. Et si l'instinct maternel était le lien absolument
viscéral, anti-culturel, animal qui lie l'enfant à sa mère,
quoiqu'il arrive, quoiqu'il ait été. Et si c'était cet appel
viscéral de l'enfant qui m'intime de prendre soin de mes enfants
matériellement et émotionnellement. Et si c'était instinct
d'attachement à la mère qui m'obligeait à m'adapter à eux, pour
qu'ils sentent combien j'ai d'estime pour eux, pour qu'ils
grandissent sans peur et en confiance, même si je ne peux pas leur
promettre un futur radieux. Et si c'était cette relation si profonde
et si complexe qui me sort la tête de mon océan de tristesse. Accrochés à mes bras, mes jambes, mon ventre, mes
enfants se nouent à mon être et tissent un lien féroce, qui se
renforce à chaque fois que je lâche prise et que je m'en remets à leur instinct d'amour.
Ton absence n'a pas éteint mon instinct
d'attachement à toi ma maman. Je te cherche tous les jours dans les
souvenirs des jours heureux, dans les regards que tu as posé sur les
enfants, dans l'ombre d'une
photographie, dans un mot laissé sur une carte. Comme je ne peux plus me serrer contre toi, j'apaise
mon manque d'enfance dans l'image d'une grand mère confidente, plus lente,
plus distante mais assez aimante. Je vais appeler Bonne Maman.
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