Chers tendres amis de flamboyances, du
haut de vos 10 ans et puis encore plus longtemps, sur les collines de la via
Cassia Roma, le long du Boulevard des Pyrénées, ou cachés dans les
calanques Marseille ... vous avez
bousculé mes mollesses et ma bêtise. Avec vous, mes bons vieux amis, mon cœur a
battu plus fort, la vie allait plus vite, les odeurs du monde étaient
plus épicées. L'imagination, la poésie, la liberté, la
transgression, la beauté, à votre contact, m'ont fait frissonné,
m'ont fait grandir. Chaque paysage, chaque lettre, chaque moment de
gloire, restent gravés dans les fondements de ma mémoire. Mes
émotions sous viennent, elles remontent à la surface, encore vives,
quand une intonation, un mot ou une lumière ont le goût de vous. Je
me souviens, je vous rappelle, et je remémore nos belles pages
blanches.
Nous nous sommes connus à l'âge des pages blanches. Nos vies étaient encore des plages désertes sans traces, ni ratures, rien, sinon quelques banalités. Mais une pulsion, une arrogance juvénile qui faisait de vous les pionniers de notre monde, nous donnait l’illusion qu 'avec vos premières intuitions, nous révolutionnions le monde. Nos pages étaient si blanches, elles m'inquiétaient un peu ... élève paresseuse, je me rassurais d'une pensée déjà réflexe : si je ne parvenais pas, comme vous à inventer ma vie, je pourrais toujours faire un copier-coller de celle de mes parents ! Mais j'avais le goût de la découverte, mais devant une page blanche avec vous, tout semblait possible. Nos pages étaient blanches, et c'était une promesse de plaisirs.
Le plaisir de ce qui n'avait pas encore
été encodé ... de ce qui était encore wild et qui était encore à
cracker. Ces interstices entre l'idée, l'envie et leur réalisations
… et même que parfois la réalité était plus folle et trépidante
que ce que l'on avait entre-aperçu entre les lignes de nos
livres :... Frisson Roche, Henri Troyat, Tolstoï, Moitessier,
Jack Kerouac ... Une traversée dans le blanc pour passer du
« sensas » aux « extas », des boys bands, à
Blur et Bjork … Une culture à éprouver pour devenir crânement
snob : « We are the world » … génération d'un
mur qui tombe sur la superficialité de l'hyper-consommation. Notre
culture peuple est remplie de caddies. Touriste professionnelle je
suis passée sur les plages et au travers des paysages sans
m'impliquer. J'ai lu toutes les pages en diagonale, incapable de
suffisamment de concentration pour en établir des certitudes
constantes.
Comme une nécessité absolue de fuir,
de ré-ouvrir des espaces de légèreté. Cette semaine, dans le
soleil froid de l'automne, le long des rues redevenues cyclables,
elle sifflotait. Juste siffler un air d'insolence, parce que l'on a
du vent dans les cheveux et encore des jambes pour avancer. Mon cher
ami toujours jeune, tu as décidé de vivre caché mais libre de
vivre pleinement tes sentiments. Pense à revenir de temps en temps,
s'il te plaît. Nos courriers, ton goût pour la culture trop
baroque, trop dorée et appesantie de velours et trompes l’œil
pour être honnête ... me manquent. Ma délicieuse amie, il nous
arrive d'évoquer une course contre le temps qui passe... ne m'oublie
pas sur le chemin, même si je me suis embarrassée d'enfants ... nos
coups d'esclandre me manquent. J'ai encore besoin de vous mes vieux
camarades parce que plus on est de fous, plus on rit ... plus on peut
faire la nique à la vie, plus on s'écrit !
Une page blanche pour écrire,
ré-écrire, pour s'écrier ... quoi ? notre futilité éculée ?
En tension permanente entre sensibilité exacerbée et trop grande
conscience de la vulgarité de nos sentiments. Aussi peu
vraisemblable que c'est vrai, il m'arrive de me poser la question de
la légitimité à s'exprimer, à remplir et gaspiller encore une
page... Et si finalement nous n'avions rien à écrire que le « drama » ... Qu'est ce que le « drama » ? Quand est ce qu'il est
« tique » ? quand est ce qu'il est « queen » ?
Le même mois, deux de mes incroyables amies se révèlent en
héroïnes, l'une de la littérature, l'autre de la chienne de vie
ordinaire... Je suis si fière de vous, si heureuse de vous
connaître. A chacune de vos batailles, je vibre avec vous, je renais
avec vous ... Jours après jours, les jours fastes et les jours que
l'on voudrait qu'ils ne soient pas arrivés. Le quotidien dont il
faut toujours tirer la substance vitale, pour qu'il nous propulse
encore un peu plus loin, et qui ne serait pas aussi complexe de
légendes et de points de vue sans vous. Votre éclat m'intime à
avoir le courage de continuer encore un peu plus longtemps : un
peu plus de mots, une ligne, une trace supplémentaire sur les pages
de ma vie ... rarement toutes noires, ni toutes blanches … souvent
grises.
Partir en errances, à la recherche de contenu, à la recherche de plus de vie. Jouer dans une ombre, s'étonner des rotations du soleil, se laisser absorber par l'horizon. Ressentir vibrer le vent, palpiter les feuillages, respirer la mousse, glisser le sable. Leurs rires et la pluie, nous quatre dans une tente la nuit. Le monde est beau, alors l'amour est très beau. Nous étions si jeunes, quand j'ai été coupée de ton aura d'attention et de gentillesse... comme si à l'âge des moqueries et rivalités, tu avais déjà conscience de la puissance du don. Tu m'as manquée longtemps, j'ai mis longtemps à comprendre que c'était l'amour qui te rendait si singulière. Aujourd'hui tu es l'une de mes rares amis de vie à écrire les pages de la parentalité... Au printemps, encore remplie de cette force archaïque, enceinte jusqu'aux dents, tu as défendu la terre, les mers et les océans devant la communauté européenne. Mon guerrier préféré !
Le choc émotionnel de vos fulgurances
fait tourner les pages plus vite, plus fort. Un rythme à contre
temps de la constance … de la lenteur d'esprit. Nos cheveux
deviennent blancs, nos pages ont pris les couleurs des temps de la
vie :elles sont raturées, enluminées, calligraphiées, elles sautent en avant, parfois reviennent derrière, parfois vulgaires, parfois en suspension … elles sont pleines de vous.
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